Témoignage de Sœur Marie-Colette
Religieuse et Aide-soignante
« En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
Mt 25, 40
Avant le noviciat, j’avais reçu une formation d’auxiliaire de vie auprès de personnes âgées ou handicapées à domicile. Au cours de la deuxième année de noviciat, on m’a demandé si j’étais intéressée de me former pour devenir aide-soignante. C’est un métier très proche d’auxiliaire de vie, dans les deux cas, j’aide quelqu’un qui est seul et qui est plus ou moins dans la dépendance. Après un cursus professionnel, j’ai passé plus de deux années chez les Diaconesses de Reuilly, des religieuses protestantes. C’est auprès d’elles que j’ai compris le sens de ma vocation, la profondeur de ce que je pouvais vivre comme religieuse soignante. Car j’étais reconnue là d’abord comme religieuse, « Sœur Marie Colette », puis comme soignante, ce qui était ma fonction. Tandis que depuis plusieurs années que je travaille dans un hôpital public, je suis reconnue presque uniquement comme soignante, et si certains savent mon identité de religieuse, je reste discrète, dans un milieu où toutes les religions cohabitent.
Dans ma mission, accueil et respect sont mes deux priorités
Les personnes accueillies dans le service sont en souffrance, elles manifestent parfois de l’agressivité ou ne savent plus très bien où elles en sont. En collaboration avec l’infirmière, je prends soin de la personne depuis son arrivée jusqu’à son départ : je l’aide à s’asseoir dans le fauteuil, je l’emmène au lavabo en lui faisant faire quelques pas ou je l’aide à faire sa toilette au lit, je distribue les repas et j’aide à faire manger, et quand elle quitte la chambre, je nettoie et désinfecte le lit et son environnement.
Et surtout je m’efforce d’être toujours disponible et ce n’est pas facile ! Les sonnettes certains jours n’arrêtent pas : « J’ai mal ici, je voudrais cela ». Alors je peux aider le malade à changer de position pour le soulager un peu, souvent cela suffit, mais d’autres fois, je transmets la demande à l’infirmière, et ce n’est pas toujours évident, car la souffrance n’est pas reconnue identiquement par tout le monde, et je n’ai pas les moyens de la soulager, je ne suis qu’une intermédiaire. Les collègues surchargés m’appellent aussi : « Peux-tu faire ceci ? Est-ce que tu peux m’aider ? » Et puis, il faut garder de l’énergie pour les imprévus, pour les tâches à recommencer quand le malade s’est à nouveau sali ou déshabillé… Ma recette, c’est un certain humour, ou un peu de philosophie ! Allez, c’est reparti ! C’est sûr que je préfère quand les malades m’accueillent gentiment et s’excusent, mais j’essaie de comprendre quand ils sont indifférents à ma personne, ou même injurieux : la souffrance les fragilise tellement…
En plus des soins d’hygiène et de confort, il y a toute une part de relations humaines que je privilégie : des petits bisous aux mamies, ça leur fait du bien et ça me fait du bien à moi aussi ! Parfois seulement serrer une main, c’est une marque de reconnaissance pour ce qu’ils sont à leur âge, alors qu’ils vivent un moment d’abattement, et je fais souvent un petit au-revoir en sortant de la chambre. Tous ces petits gestes veulent dire que pour moi la personne est importante. Je suis vraiment touchée quand des personnes reviennent nous dire bonjour car ils ont été satisfaits de notre service, et ils nous offrent des bonbons, des fleurs, des cartes avec un mot de remerciement, etc.
La Foi à l’hôpital
Le bouche-à-oreille fonctionne terriblement à l’hôpital : je suis arrivée début juillet 1995, j’ai vécu d’abord deux mois en maternité, c’était magnifique ! C’était aussi l’année de mes vœux définitifs, et j’avais besoin d’un week-end pour me préparer, il a fallu que je m’arrange avec une collègue, je lui ai donné la raison, et ça a fait une traînée de poudre !
Avec mes collègues, il m’est arrivé de parler de la foi chrétienne, mais en général ces discussions restent assez superficielles, la question de la foi les intéresse peu. Mais souvent, quand un malade demande à faire venir l’équipe d’aumônerie, dont un membre vient tous les jeudi après-midi dans mon service, mes collègues le renvoient à moi !
Avec les malades, ça m’est déjà arrivé de leur dire discrètement que j’étais religieuse. De toute façon, je porte ma croix sous ma tenue, elle est assez visible car notre tunique verte est plutôt transparente. Pour moi c’est important de la garder, j’ai parfois besoin de sentir qu’elle est là. Parfois, quand un malade suit la messe télévisée, je lui propose de recevoir la communion, c’est oui ou non. En revanche, il ne m’est jamais arrivé de prier avec les malades, j’essaie de ne pas mélanger profession et vie spirituelle. C’est délicat pour moi ce sujet-là. Des collègues de travail le font dans d’autres services. Mais il me semble que j’appartiens ainsi à tous, à ceux qui sont croyants, catholiques ou autres, comme aux athées et aux indifférents. C’est ma foi au Christ qui prime, mais je prie aussi Marie, lui demandant ce qu’elle ferait là, dans cette situation précise. J’essaie d’abord d’être humaine avant d’être chrétienne, et chrétienne avant d’être religieuse. Des malades me disent : « Oh, ce que vous êtes gentille ! » ou des petits compliments comme « Vous avez un beau sourire, des beaux yeux ! » C’est vrai, j’ai ceci, ou cela, mais je sais que cela ne vient pas de moi, c’est quelque chose que je garde en moi et qui me permet de témoigner de ma joie.
Sœur Marie-Colette